Voici un très bel exemple qui montre les imperfections de notre système de pensées oscillant entre notre plasticité cérébrale et la rigidité de la règle nous donnant une fois de plus à réfléchir sur notre capacité à prendre des décisions justes, rationnelles...et pas forcément réglementaires. Autrement dit : quand est-il pertinent de désobéir ?
Je vous plante le décor:
Nous sommes le dimanche 11 octobre 2020 juste avant le début du match de basket opposant l’équipe de Cholet à celle de Villeurbanne. Dans ce contexte de crise sanitaire, les mesures de protection et les tests sur les joueurs sont extrêmement nombreux et suivis.
La feuille de match est prête, les joueurs sont à l’échauffement dont Norris Cole, pour qui vient juste d’arriver un résultat de test PCR, positif au Covid. Que faire en premier lieu ? :
- Demander au joueur de porter un masque pendant la partie
- Le laisser jouer
- Le remplacer immédiatement
- Avertir l’arbitre
Je pense que la logique vous pousse à remplacer le joueur immédiatement et peut être même vous demander ce qu’il en est pour tous ses partenaires automatiquement cas contact.
Et c’est à partir de maintenant que ce cas devient intéressant car la décision prise par le staff a été de laisser Norris Cole débuter la partie afin de pouvoir le sortir définitivement au premier arrêt de jeu soit 41 secondes plus tard…Vous y comprenez quelque chose ? Non ?
Normal, il vous manque une donnée. Le règlement ne permet de modifier la feuille de match au dernier moment que si le joueur se blesse à l’échauffement. Ce qui n’est ici pas le cas et met donc les différents acteurs dans une impasse réglementaire, dans notre jargon militaire « un cas non conforme ».
Pour prendre un peu de hauteur sur la polémique engendrée, essayons plutôt d’ouvrir des pistes de réflexion sur ce qui peut nous amener à prendre une décision irrationnelle s’appuyant sur un règlement permettant d’être rationnel!
C’est ici que l’on peut aborder la différence entre l’esprit et la lettre. En effet, s’en tenir rigoureusement au règlement (la lettre) sans chercher à remettre du sens (l’esprit) permet une justification simple et rapide de nos choix en bonne et due forme. Cela nous offre la sécurité, l’assurance d’être irréprochable en ayant suivi (à la lettre) le protocole même si cela est au détriment du bon sens. Le problème de ce fonctionnement est qu’il n’y a plus de place pour la remise en question de la règle, la créativité pour une adaptabilité à un contexte inconnu.
Il est clair que toute décision ne respectant pas le règlement demande une certaine prise de risque, une grande dose de confiance en soi et une conviction forte de chercher la meilleure solution plutôt que celle de rentrer dans le cadre ! Évidemment sans tomber dans le piège de s’affranchir de toute norme sous prétexte d’une intuition, d’une inspiration personnelle.
Lorsque j’étais formateur commando, je connaissais sur le bout des doigts la réglementation de nos activités, les normes du matériel utilisé, les obligations d’encadrement, les techniques officielles…Cela me permettait de répondre très sereinement aux situations pour lesquelles les textes s’appliquaient parfaitement mais surtout de pouvoir m’écarter très facilement de la norme lorsque la situation était anormale. Et croyez-moi cela m’a toujours été d’une grande aide pour savoir très précisément où je me situais par rapport à la règle et pourquoi je m’en écartais. Pas de place pour l’à peu prés, le coup de bol ou une fausse intuition.
Mettre l’accent sur l’esprit d’un texte, c’est d’abord comprendre, fouiller, creuser la lettre. Non pour s’y enfermer mais bien pour s’en émanciper lorsque l’imprévu arrive tout en étant en mesure d’expliquer que seul le terrain commande et que le bon sens était de respecter l’esprit plus que la lettre préférant « être jugé que mort ! ».
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